PORTRAIT de mai : Dre Jennifer Russell
Au cours de la pandémie de la COVID-19, cette femme a été propulsée sous les feux de la rampe, alors qu’elle est devenue en quelque sorte, la « mère » des Néo-Brunswickois, la figure rassurante de la province, pendant cette crise humanitaire qui a bouleversé la vie de toutes et tous.
Née en 1970, Jennifer Russell a grandi à Bathurst, au nord du Nouveau-Brunswick (N.-B.). Ses parents, Len Wylie et Susan (née Ramsey), deux anglophones, ont réalisé qu’il était important que leur fille apprenne le français. Ceci n’était pas commun, à l’époque, dans les familles anglophones du N.-B.
« Mon père vient de la Gaspésie et il a appris le français dans sa jeunesse, quand il a travaillé à Chibougamau, au Québec. Mais ma mère, qui vient de Bathurst, ne parle pas un mot de français. Mes parents voulaient que je sois bilingue et que je parle le français sans accent, car ils souhaitaient que je travaille au Nouveau-Brunswick. Mes parents étaient forward thinking. »
Jennifer ajoute qu’elle a des racines acadiennes du côté de sa mère (son arrière-grand-père était Joseph Bennett Hachey), mais que la langue française s’est perdue au cours des générations.
Jennifer avait un frère aîné, Jamie, qui souffrait du diabète et qui est devenu paraplégique à la suite d’un accident d’automobile. Il est décédé à l’âge de 36 ans, il y a quelques années.
Jusqu’à sa 8e année, Jennifer a fréquenté des écoles francophones. Elle avait d’excellents résultats scolaires et elle était sportive (volley-ball, basket-ball), tout en étant passionnée de la musique (piano, saxophone et chant).
« Mes parents voulaient que je devienne pharmacienne. J’adorais les sciences et j’adorais la musique, et ç’a été difficile de faire un choix pour l’université. Donc, je me suis inscrite en sciences à l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse. Mais pendant ma première semaine là-bas, j’ai changé d’idée, et je me suis inscrite en arts avec une majeure en musique. »
Jennifer aspirait à enseigner la musique et le français, mais la vie en a décidé autrement.
Après avoir obtenu son baccalauréat en arts et travaillé pendant un an comme secrétaire et enseignante de piano, Jennifer et son époux (un médecin des Forces armées canadiennes) ont déménagé à Fredericton, en 1992, où elle a entamé des études en sciences, à l’Université du Nouveau-Brunswick (UNB), afin de devenir... médecin!
« J’ai toujours eu l’idée de devenir médecin, mais j’avais pas le courage ou la confiance de prendre cette décision, mais mon ex-mari m’a encouragée à faire le saut. »
Après avoir décroché son baccalauréat en sciences, elle a étudié la médecine à l’Université Memorial, à Terre-Neuve. En 1996, elle s’est enrôlée dans les Forces armées canadiennes, profitant d’un programme de formation des médecins militaires. En 2001, sa résidence en médecine terminée, elle a déménagé à Ottawa pour entreprendre son service militaire obligatoire.
Alors qu’elle habitait la capitale nationale, Jennifer est devenue mère de deux enfants : Zachary (21 ans) et Olivia (19 ans), deux finissants de l’École Sainte-Anne de Fredericton.
En 2006, la famille Russell est revenue au N.-B., à Fredericton, et en 2007, après une dizaine d’années au sein des Forces armées canadiennes, Jennifer a mis fin à sa carrière de militaire. Au cours des années qui ont suivi, elle a travaillé (comme civile) à la Base militaire de Gagetown; aux Services de traitement des dépendances et de santé mentale; au Centre de santé Noreen-Richard (situé au Centre communautaire Sainte-Anne); et à l’Hôpital régional Dr-Everett-Chalmers.
« En 2014, mon mari a vu un poste de médecin-hygiéniste en chef adjoint pour le gouvernement du Nouveau-Brunswick et il m’a encouragé à postuler. Il m’a dit : Tu es une ex-militaire, tu es une Néo-Brunswickoise, tu es une femme, tu es francophone et tu vas réussir! Et j’ai obtenu le poste. »
Trois semaines après son entrée en fonction, elle est devenue médecin-hygiéniste en chef par intérim, et en 2018, elle a été nommée à ce poste, en permanence.
En mars 2020, la pandémie de la COVID-19 s’est abattue sur la planète. Comme médecin-hygiéniste en chef, Jennifer a joué un rôle de premier plan dans cette crise humanitaire et elle a fait partie de la vie quotidienne de tous les Néo-Brunswickois, pendant plus de deux ans. Elle nous parlait de confinement, de bulles, de distanciation, de nous laver les mains, d’être respectueux... et elle le faisait en français. Son bilinguisme a été une grande force pendant cette période difficile, alors qu’elle pouvait communiquer et échanger avec les francophones de la province.
« C’est certain que ç’a été une période très difficile sur les émotions, ma vie professionnelle et personnelle, et ma santé mentale et physique. Mais encore aujourd’hui, presque tous les gens, peu importe où je suis, me remercient pour le beau travail que j’ai fait pendant la pandémie, et de les avoir rassurés et gardés en sécurité. J’ai beaucoup de fierté... pour moi et pour l’équipe avec laquelle je travaillais et qui m’appuyait. On voulait tous les mêmes résultats et réussir pour les citoyens. J’étais peut-être seule devant la caméra, mais y’avait des gens derrière moi. »
Elle ajoute que son entraînement militaire l’a beaucoup aidée à gérer sa vie professionnelle et personnelle, mais que cette période a eu des conséquences sur sa santé.
« J’étais épuisée, stressée, et j’avais pris du poids. En plus, j’ai frappé un chevreuil en auto en allant à une conférence de presse, et en 2022, j’ai été diagnostiquée de la colite. Mais maintenant, tout va bien. »
En 2023, toujours à la recherche de nouveaux défis, et après presque 10 ans comme médecin-hygiéniste, elle est devenue la directrice générale du nouvel Institut de la santé de la population, à l’UNB : « C’est un nouvel environnement et j’ai beaucoup à apprendre, mais j’adore ça! J’aime faire de la prévention et je veux voir la santé de la population s’améliorer. »
Depuis qu’elle est enfant, la musique occupe une place très importante dans la vie de Jennifer : « J’ai commencé à suivre des cours de piano à l’âge de 9 ans, ensuite j’ai chanté dans des chorales, et à 13 ans, j’ai commencé à jouer le saxophone. »
Tout au long de sa vie, Jennifer a toujours fait partie de différents groupes musicaux comme musicienne et chanteuse. Il y a quelques années, elle s’est mise à écrire des chansons originales, de style jazz, swing et gospel. Jusqu’à présent, elle a deux albums à son actif (2014 et 2019), et elle prévoit en lancer un troisième. Elle présente régulièrement des spectacles un peu partout, entre autres le 14 juin prochain, elle s’arrêtera au Typsy Muse Café, à Fredericton; et le 5 juillet, elle participera au Festival de jazz d’Edmundston.
Dans ses temps libres, elle pratique le yoga, elle fait partie d’un club de lecture et elle adore voyager.
« Kudos à mes parents qui ont pris la décision de m’envoyer à l’école francophone. Ça m’a beaucoup aidée dans ma vie et ça m’a permis, pendant la COVID, de communiquer mes messages dans les deux langues officielles. Dans mon cœur, j’adore le Nouveau-Brunswick, et je voulais protéger tous les citoyens que je considère comme une extension de ma famille. »
Dre Russell... un simple mot pour terminer, du fond du coeur : MERCI!
Texte de François Albert